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Alexander Hunt, porte-parole de l’ambassade des Etats-Unis en Guinée : « Nous demandons au gouvernement de transition de respecter le calendrier de 24 mois… »

CONAKRY-Alexander Hunt est le Conseiller Culturel et de Presse, par ailleurs porte-parole, de l’ambassade des Etats-Unis en Guinée. Avec Africaguinee.com, il évoque plusieurs sujets, notamment, la stratégie américaine de prévention des conflits et de promotion de la stabilité, les conditionnalités pour bénéficier du fonds alloué à ce programme du gouvernement américain. Alexander Hunt souligne aussi le soutien des Etats-Unis au peuple guinéen pour assurer un retour rapide et équitable à l’ordre constitutionnel. Entretien exclusif.

AFRICAGUINEE.COM: En mars dernier, le président Joe Biden a transmis au Congrès son nouveau plan pour la mise en œuvre de la stratégie américaine de prévention des conflits et de promotion de la stabilité. D’où est partie cette initiative ?  Quel est son objectif ?

ALEXANDER HUNT :  En 2019, les États-Unis ont adopté une loi définissant une approche innovante à long terme pour lutter contre les conflits, la violence et l’instabilité dans le monde. Cette loi du Congrès reconnaît que la prospérité et la sécurité nationale des États-Unis dépendent de partenaires économiques et de sécurité pacifiques, autonomes et stables. Avec la stratégie américaine de prévention des conflits et de promotion de la stabilité, les États-Unis adoptent désormais une approche fondée sur le partenariat pour promouvoir la stabilité et la sécurité au cours des dix prochaines années. À l’avenir, ces plans fourniront un cadre et des opportunités pour les États-Unis de s’engager avec – et au sein – des pays qui s’efforcent d’échapper ou d’éviter complètement les cycles coûteux et dangereux de conflit et d’instabilité.

Est-ce « l’échec » d’autres programmes similaires qui justifie le déploiement de ces types de partenariat ou bien une volonté de renforcer ce qui est déjà en cours dans chaque pays éligible ?   

Ces plans représentent un engagement à améliorer la façon dont le gouvernement américain travaille pour relever les défis liés aux conflits à l’étranger. Nous sommes en train de réformer la manière dont les ministères et les agences du gouvernement américain travaillent à l’étranger grâce à une approche pan-gouvernementale qui intègre l’engagement des États-Unis dans les secteurs de la diplomatie, du développement et de la sécurité et qui fait entendre la voix des partenaires locaux. Les plans seront façonnés et mis en œuvre en coordination avec les nombreux autres acteurs qui peuvent contribuer à la réalisation de nos objectifs communs, à savoir des communautés et des nations plus pacifiques, plus prospères et plus stables. Les plans mettent également l’accent sur l’importance de faire entendre la voix des partenaires locaux dans le développement de leurs communautés et de leurs pays.  Des centaines de réunions consultatives et des points de vue divers ont contribué à l’élaboration des plans et continueront de contribuer à leur mise en œuvre.  Il s’agit là d’un grand pas en avant pour favoriser l’appropriation locale dès le départ.

Quel est l’enveloppe global dudit projet et quels sont les critères pour lever les fonds ?  

Le financement de la mise en œuvre de la stratégie américaine de prévention des conflits et de promotion de la stabilité (SPCPS) sera aligné sur le plan décennal de chaque pays ou région afin de refléter au mieux les besoins sur le terrain. Le Congrès américain a débloqué 100 millions de dollars d’aide à l’étranger pour l’année fiscale 2021, 125 millions de dollars pour l’année fiscale 2022 et 135 millions de dollars pour l’année fiscale 2023 pour le Fonds de prévention et de stabilisation.  Ce fonds complète l’aide bilatérale existante et d’autres aides américaines gérées de manière centralisée au profit de ces pays partenaires, qui seront davantage alignées sur ces plans le cas échéant.

Dans le cadre de cette initiative, l’ambassade des États-Unis a récemment annoncé un concours ouvert aux organisations pour qu’elles soumettent des demandes de mise en œuvre de projets qui renforcent la cohésion sociale et améliorent la réactivité, l’inclusion et la responsabilité du gouvernement dans les régions de la Guinée les plus vulnérables aux conflits et à l’instabilité.    Jusqu’au 1er juillet 2023, nous acceptons des propositions de projets qui répondent à un certain nombre d’objectifs prioritaires du programme – de la programmation des radios communautaires à la formation des journalistes en passant par des ateliers sur les outils numériques.  Pour plus d’informations, les organisations intéressées peuvent visiter: https://gn.usembassy.gov/ambassadors-resilience-fund-strategy-to-prevent-conflict-and-promote-stability/

Ce nouveau partenariat concerne plusieurs pays côtiers en l’Afrique de l’Ouest, à savoir la Guinée, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, et le Togo. Sur quelle base le choix de ces pays a-t-il été effectué ?   

Ce sous-ensemble de pays de la région côtière de l’Afrique de l’Ouest a été choisi pour faire face, de manière unifiée, à la menace de violence des groupes opérant dans le Sahel adjacent et aux vulnérabilités internes que les extrémistes pourraient chercher à exploiter.  En outre, les États-Unis ont reconnu la nécessité de soutenir et d’étendre les démocraties afin de renforcer une gouvernance responsable et à l’écoute de la population.  Le plan est conçu non seulement pour aider à réduire et à prévenir l’instabilité dans les pays dans lesquels nous travaillons, mais aussi pour avoir un impact positif sur les régions environnantes, y compris le Sahel.

Pourquoi pas le Mali, le Burkina…le Niger qui connaissent plus d’attaques terroristes que toute autre partie dans cette région ?

Dans la région côtière de l’Afrique de l’Ouest, nous mettons l’accent sur la prévention. Le plan régional se concentre sur la prévention de l’expansion du terrorisme et de l’extrémisme violent à partir des pays voisins dans les communautés frontalières vulnérables de l’Afrique de l’Ouest côtière en s’attaquant aux causes profondes de l’instabilité.  La région du Sahel fait l’objet d’une stratégie différente avec son propre financement.

Comment son déploiement se fera-t-il dès lors qu’on sait que chaque pays a ses particularités, ses défis ?   

Bien que le plan lui-même soit global et vise à montrer une stratégie globale cohérente à travers les frontières nationales, chaque ambassade américaine travaille avec ses homologues nationaux, la société civile et d’autres parties prenantes locales pour concevoir des programmes spécifiques à chaque pays, alignés sur les plans nationaux et les besoins de la communauté. Le plan renforce l’engagement des États-Unis auprès des partenaires de la région pour atténuer les risques de conflit et les vulnérabilités, renforcer la résilience, consolider la cohésion sociale et construire une vision commune de la prévention.

Pour le cas de la Guinée l’un des défis auquel fait face le pays, c’est le retour à l’ordre constitutionnel. Quelle partition les Etats-Unis entendent-ils jouer dans ce processus ?  

 

Les États-Unis se sont engagés à travailler avec le peuple guinéen pour assurer un retour rapide et équitable à la démocratie, et concrétisent cet engagement par le biais du programme d’appui à la transition et aux processus électoraux (STEP).  Nous encourageons le gouvernement de transition à travailler avec tous les acteurs de la société civile sur les étapes décrites dans le calendrier de transition de 24 mois. Les États-Unis continueront à soutenir le rétablissement de l’ordre constitutionnel par des actions de plaidoyer, d’investissement et de renforcement des capacités en faveur d’élections transparentes, inclusives et pacifiques.

Cinq mois se sont écoulés depuis le début du compte à rebours portant sur les 24 mois fixés conjointement avec la Cedeao comme durée de la transition. Comment observez-vous l’évolution de l’exécution du chronogramme ?   

Nous sommes encouragés par l’annonce d’un calendrier de transition qui rétablira la démocratie pour le peuple guinéen d’ici janvier 2025.  Les États-Unis continueront à soutenir le rétablissement de l’ordre constitutionnel par le biais de processus électoraux ouverts et équitables.

En début de l’année en cours, l’ambassadeur Troy Fitrell annonçait une enveloppe de 15 millions de dollars comme soutien au processus du retour des civils au Pouvoir. Comment cet argent sera-t-il utilisé ?   

En février 2023, les États-Unis ont annoncé un nouveau programme quadriennal de 15 millions de dollars pour aider à la transition vers un régime inclusif, transparent, libre, équitable, pacifique et démocratique en Guinée.  Le programme STEP (Supporting the Transition and Electoral Processes) fournit un soutien et des conseils aux réformes juridiques en cours qui sont nécessaires avant la tenue d’élections pacifiques, libres et équitables.

Ce programme a deux objectifs principaux. Premièrement, il fournit une expertise technique au gouvernement de transition pour formuler les réformes électorales et juridiques nécessaires à une transition démocratique réussie. Deuxièmement, il favorisera l’éducation civique et l’éducation des électeurs, contribuera à la lutte contre la désinformation et les discours haineux, soutiendra la recherche sur l’opinion publique et aidera à surveiller et à atténuer la violence électorale.

Nous continuerons à soutenir les aspirations du peuple guinéen à un gouvernement démocratique et responsable qui protège les libertés fondamentales et donne aux Guinéens la possibilité de s’exprimer. Le soutien à la transition et aux processus électoraux est un élément indispensable de la politique des États-Unis visant à défendre les valeurs démocratiques en Guinée.

Les autorités de la transition demandent un peu plus de 600 millions de dollars pour la mise en œuvre des dix points inscrits dans le chronogramme. Une somme que certains trouvent excessive. Le Gouvernement américain mobilisera-t-il une aide financière supplémentaire pour que comme vous l’avez indiqué : « Le 1er janvier 2025 soit un jour de célébration du retour du peuple guinéen à la démocratie » ?   

Les États-Unis continuent de soutenir une société civile engagée afin de renforcer la gouvernance démocratique en Guinée. Ils ont notamment formé 139 organisations de la société civile pour qu’elles s’engagent dans des activités de plaidoyer et ont touché plus de 60 mille Guinéens par le biais d’événements de cohésion sociale.  Les États-Unis ont également formé près de 600 journalistes à la lutte contre la désinformation afin de garantir que les communautés guinéennes restent informées grâce à des reportages précis.

En plus du programme de 15 millions de dollars destiné à soutenir la transition et les processus électoraux, les États-Unis poursuivront leurs efforts de renforcement des capacités pour soutenir les acteurs de la société civile guinéenne, les journalistes, les entrepreneurs, les jeunes, les femmes et les communautés marginalisées, qui jouent tous un rôle important dans la construction d’un avenir démocratique résilient pour la Guinée.

L’autre défi auquel la Guinée fait face, c’est la problématique liée au respect des droits humains. Sept civils ont été tués à Conakry dans la répression d’une manifestation non autorisée par la junte. Quelle est votre réaction ?   

Les États-Unis condamnent le recours à la violence lors des manifestations. La liberté d’expression et le droit de manifester pacifiquement sont des piliers essentiels de la démocratie et nous encourageons tous les acteurs politiques et de la société civile à respecter ces libertés fondamentales.

Dans le prolongement de la stratégie américaine de prévention des conflits et de promotion de la stabilité, le gouvernement américain a créé le Fonds de l’ambassadeur pour la prévention des conflits et la résilience afin de fournir un mécanisme flexible pour renforcer la résilience des communautés face à l’instabilité politique et à l’insécurité.  Dans le cadre de cette initiative, l’ambassade des États-Unis a récemment annoncé un concours ouvert aux organisations qui souhaitent soumettre des demandes pour mettre en œuvre des projets qui renforcent la cohésion sociale et améliorent la réactivité, l’inclusion et la responsabilité du gouvernement dans les régions de la Guinée les plus vulnérables aux conflits et à l’instabilité.

L’un des projets que nous souhaitons financer est un forum sur les droits de l’homme, qui réduira les tensions communautaires et la stigmatisation en promouvant un dialogue constructif sur les questions de droits de l’homme affectant les communautés marginalisées de Guinée.  Pour plus d’informations, les organisations intéressées peuvent se rendre sur le site suivant: https://gn.usembassy.gov/ambassadors-resilience-fund-strategy-to-prevent-conflict-and-promote-stability/

A votre avis, la crispation politique interne marqué par un déficit de dialogue, ne risque-t-elle pas de déboucher sur un glissement du calendrier de la transition ?   

Les États-Unis continuent de soutenir et d’encourager un processus transparent, pacifique et inclusif de la transition aux élections.  Toutes les parties ont été invitées au processus de dialogue inter-guinéen et nous félicitons ceux qui y ont participé.  Les États-Unis continuent d’exhorter les acteurs sociaux et politiques guinéens à participer à toutes les occasions de contribuer à façonner l’avenir de la Guinée.  Nous considérons l’ensemble du processus de transition comme une opportunité de dialogue politique.

Quel appel avez-vous à lancer aux différents protagonistes ?   

Les États-Unis encouragent la participation ouverte de tous les partis politiques et de la société civile à la rédaction d’une nouvelle constitution qui fonctionne pour tous les Guinéens.  Nous continuerons à soutenir le rétablissement de l’ordre constitutionnel par le biais de processus électoraux ouverts et équitables.  Nous demandons instamment au gouvernement de transition de respecter le calendrier de transition de 24 mois afin d’assurer un retour rapide à un régime civil, à la démocratie et à l’ordre constitutionnel.

 

Source: Africaguinee.com


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